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Le moment où sous l'œil de Dieu les premiers hommes se communiquèrent pour la première fois leurs pensées par le langage a dû être singulièrement solennel. Il décida de l'avenir de la race. On ne peut pas se figurer l'homme privé de cette noble et royale faculté qui, en développant sa raison, l'élève au-dessus de toutes les autres créatures qui habitent ce globe. Dieu en voulant l'homme le voulut intelligent. C'est pourquoi nous pensons que l'homme parla tout d'abord, nécessairement poussé par un instinct naturel et en s'aidant des organes que la divine Providence avait mis à son usage. Nous n'admettons donc pas que la langue ait été communiquée à l'homme par une révélation nouvelle et particulière: nous pensons que le miracle de sa création comprend aussi celui de la manifestation de sa pensée. Ce n'est pas à nous de chercher ici à éclaircir le mystère qui enveloppe les origines de notre race, et nous doutons que la science parvienne jamais à le pénétrer. Il est certain que l'on pourra difficilement décider un procès dont il sera de toute impossibilité, même dans les âges à venir, de rassembler les titres avec leurs pièces justificatives. Il n'est certes pas défendu à l'homme d'aborder cette question redoutable, et la résoudre ne serait pas, à nos yeux, porter atteinte à la dignité du Créateur.
Les langues indo-européennes ayant suivi un mouvement, ou circulaire, ou semi-circulaire, on peut se demander à quel point ce mouvement s'arrêtera, ou bien s'il recommencera en sens inverse; en un mot, nos langues, ayant été décomposées par l'analyse, se fortifieront elles dans l'état où elles sont arrivées, ou tendront-elles vers une synthèse nouvelle? Nous avons tâché de répondre ailleurs à cette question; aussi nous proposons-nous seulement de présenter quelques observations, qui nous permettront de nous former une opinion sur l'avenir de nos langues.
La synthèse nouvelle que l'on nous promet ne serait possible qu'autant que le lien qui unit incessamment dans notre race le passé au présent viendrait à se rompre, et que, les facultés de la raison humaine s'affaiblissant de plus en plus, celle-ci perdrait l'admirable clarté avec laquelle elle perçoit aujourd'hui et les lois de l'univers, et celles des langues, et les siennes propres. Il faudrait admettre en outre que la grammaire eût cessé d'être enseignée; que l'art de l'imprimerie fût tombé dans un oubli profond, et que les ténèbres d'une barbarie plus générale et plus terrible que celle de l'époque des migrations couvrissent tout notre globe. Encore est-ce une question de savoir si notre race, revenue ainsi à la condition objective des premiers siècles et au règne de l'instinct pur, pourrait retrouver toute cette puissance créatrice à l'aide de laquelle elle avait fondé les systèmes de langues les plus admirables.
La grammaire comparée n'étant pas ce qu'on appelle vulgairement une science appliquée, on ne peut point parler non plus de son utilité directe, immédiate et pratique. Elle peut néanmoins procurer incidemment des avantages assez considérables à ceux qui la cultivent. Lorsqu'on est arrivé à connaître l'organisme d'une séric de langues, on parvient plus aisément à les parler et à les posséder, et tout le monde connaîts le mot célèbre de Charles-Quint disant ≪ qu'on est autant de fois homme qu'on sait de langues ≫. Véritable supériorité dans un âge où les rapports de l'industrie et du commerce, centuplés par les chemins de fer et le télégraphe électrique, tendent à rapprocher de plus en plus toutes les nations et à faire de l'humanité une seule famille!
Depuis longtemps la religion nous a appris que tous les êtres humains qui peuplent ce globe sont frères. Les sciences naturelles ne sont pas opposées à cette donnée que la grammaire comparée n'a malheureusement pas encore réussi à établir d'une manière scientifique. Au moins, la philologie moderne rappelle-t-elle les races humaines à la conscience d'elles-mèmes, et arrive-t-elle à des résultats qui ressemblent parfois à ceux de l'ancienne comédie, où le héros de la pièce reconnaît souvent en dernier lieu, dans la personne qu'il aimait, haïssait ou méprisait, comme on aime, hait ou méprise une personne étrangère, une fille, une sœur, une parente perdue.
La grammaire renferme cet ensemble de règles par lequel se manifeste l'organisme d'une langue Lorsqu'elle s'efforce d'indiquer jusqu'à un certain point les origines de ces règles, d'en expliquer les causes et d'en décrire l'enchaînement, on l'appelle grammaire raisonnée. Lorsque, pour donner plus de force à cette méthode, elle a recours à des exemples et à des règles empruntés à la grammaire de plusieurs autres langues, étrangères ou classiques, elle devient la grammaire comparée. Mais il faut pour cela que ces langues soient sœurs, autrement la comparaison serait sans fruit. Encore, dans ces limites, elle peut être plus ou moins complète, car elle peut être faite avec plus ou moins d'éléments comparés, avec plus ou moins d'intelligence et en vue de résultats plus ou moins élevés.
Lorsque nous comparons le français à l'italien et à l'espagnol, ou à tous les deux à la fois, il est facile de reconnaître à ces trois idiomes une origine commune, un système grammatical presque identique, et des différences qui, toutes nombreuses et toutes considérables quietles puissent paraître aux contemporains qui parient ces langues, auront aux yeux de la science une signification peu importante. C'est que la comparaison se sera renfermée dans un champ bien étroit en passant en revue trois idiomes sortis d'un même idiome et conservant les traits principaux qui trahissent cette origine.
Si l'on s'efforce d'embrasser d'un seul coup d'œil toute la terre ferme du globe, on ne peut résister à la pensée qu'il y a des climats pour le développement de l'esprit humain et des langues, comme il y en a pour celui des races. Les contrées qui jusqu'à ces derniers jours ont été les plus éloignées du mouvement général de la civilisation sont celles où nous rencontrons les genres extrêmes des langues. Les peuples qui habitent les parties orientales les plus reculées de l'Asie parlent des langues monosyllabiques. Les tribus qui parcourent les bords opposés du grand Océan affectent le système si compliqué des langues polysynthétiques. Car c'est un autre fait curieux, bien avéré aujourd'hui, que les populations américaines étaient bien plus agglomérées dans la partie ouest du nouveau continent que dans la partie est, qui apparut aux premiers Européens comme un vaste désert. Le réseau des langues tatares et ougro-japonaises commence aux frontières de la Chine, s'étend sur tout le nord de l'Asie, occupe une partie de la Russie d'Europe, s'avance d'un côté jusqu'à la mer Baltique, et de l'autre pénètre en pointe par le magyar, à travers les populations slaves et germaniques. Au sud de ce réseau se déploie celui des langues indo-européennes. Parti du pied de l'Himalaya, il gagne l'Europe à travers l'Inde et la Perse, occupe ce continent presque tout entier, et il est allé rejoindre de nos jours celui des dialectes américains.