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Le sentiment néologique : le rôle des marqueurs typographiques et linguistiques

Published online by Cambridge University Press:  19 November 2025

Léa Pineau*
Affiliation:
CLLE, Université Toulouse Jean Jaurès et CNRS, Toulouse, France
Fabio Montermini
Affiliation:
CLLE, Université Toulouse Jean Jaurès et CNRS, Toulouse, France
Juliette Thuilier
Affiliation:
CLLE, Université Toulouse Jean Jaurès et CNRS, Toulouse, France Université Toulouse Jean Jaurès, France Institut Universitaire de France, France
*
Corresponding author: Léa Pineau; Email: lpineau.ortho@gmail.com
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Résumé

Lorsque des locuteurs produisent des néologismes à l’écrit, ils peuvent utiliser des marqueurs typographiques ou linguistiques pour mettre en saillance ces derniers. Cette étude, centrée sur des néologismes dénominaux suffixés en -ien, -ique et -esque, combine une analyse de corpus et une étude expérimentale de type questionnaire en ligne afin d’examiner, d’une part, le type et la proportion de ces marqueurs et, d’autre part, leur influence sur les jugements de néologicité. En production, les locuteurs marquent environ 23 % des néologismes, principalement avec des guillemets, puis avec des motifs syntaxiques et enfin avec des commentaires. En réception, la présence de ces marqueurs (guillemets et commentaires) augmente les taux de détection des néologismes. L’identification des néologismes est influencée par le cotexte. De plus, d’autres éléments semblent expliquer les variations des jugements de néologicité, tels que le suffixe du néologisme lorsque ce dernier est morphologiquement dérivé, et l’âge des locuteurs.

Abstract

Abstract

When speakers produce written neologisms, they may use typographic or linguistic markers to highlight them. This study, focusing on French denominal neologisms suffixed with -ien, -ique, and -esque, combines a corpus analysis and an experimental study (online questionnaire) to examine, on the one hand, the types and frequencies of these markers and, on the other hand, their influence on neologicity judgments. In production, speakers mark approximately 23% of neologisms, mainly using quotation marks, followed by syntactic constructions and finally by comments. In reception, the presence of these markers (quotation marks and comments) increases neologism detection rates. Neologism identification is influenced by the linguistic context. In addition, other factors seem to explain variations in neologicity judgments, such as the suffix used when the neologism is morphologically derived, and the age of the speakers.

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Article
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© The Author(s), 2025. Published by Cambridge University Press

1. Introduction

Toute langue vivante connait des innovations linguistiques. Celles-ci sont impulsées, utilisées, adoptées ou rejetées par les locuteurs (Gérard, Reference Gérard, Jacquet-Pfau and Sablayrolles2016). Nous postulons que les locuteurs disposent d’une compétence métalinguistique de la néologie, nommée sentiment néologique, qui leur permet d’estimer la nouveauté d’un mot par rapport au lexique conventionnel partagé par leur communauté linguistique, et qui est un cas particulier d’un « sentiment linguistique » (compétence métalinguistique) plus général (Lecolle, Reference Lecolle2012). Ce sentiment néologique est partagé par l’énonciateur et le récepteur d’un message linguistique contenant un néologisme (vrai ou présumé), et peut avoir différentes manifestations, qui sont liées, entre autres, à l’intentionnalité de la création, à la facilité avec laquelle le néologisme est identifié, au type de texte et au contexte plus général (Sablayrolles Reference Sablayrolles, Bernhard, Boisseau, Gérard, Grass and Todirascu2018a, Reference Sablayrolles, Bernhard, Boisseau, Gérard, Grass and Todirascu2018b).Footnote 1 Une des manifestations les plus courantes du sentiment néologique consiste à associer à un mot nouvellement créé en discours des marqueurs de son statut néologique. Ces marqueurs, qui peuvent être produits par l’énonciateur du message (et donc le producteur du néologisme) ou, plus rarement, par le récepteur, prennent plusieurs formes différentes (Sablayrolles, Reference Sablayrolles, Bernhard, Boisseau, Gérard, Grass and Todirascu2018a : 160). Par exemple, en production écrite, les locuteurs peuvent associer des marqueurs typographiques ou linguistiques aux néologismes produits. Dans l’exemple (1), le locuteur signale qu’il s’éloigne du lexique conventionnel par la présence de guillemets et ajoute une définition du nouveau mot employé ; en (2), le commentaire métadiscursif à la suite du mot stylisation témoigne des doutes du locuteur sur la nature néologique du mot et montre que le ressenti de néologicité est variable selon les locuteurs et leur savoir lexical conventionnel.Footnote 2

Nous avons élaboré deux études afin de mesurer la présence et le rôle de ces marqueurs associés aux néologismes à l’écrit : une analyse de corpus (manifestations du sentiment néologique en production) et une étude expérimentale de type questionnaire en ligne (manifestations du sentiment néologique en réception). Dans cet article, nous nous appuyons tout d’abord sur l’état de l’art pour définir les notions de néologisme, de sentiment néologique, de marqueurs typographiques et linguistiques, de jugement de néologicité, ainsi que pour rendre compte des études déjà réalisées sur le sujet. Nous présentons ensuite la problématique et les questions qui ont guidé notre recherche sur le rôle de ces marqueurs, avant de justifier le choix de nos deux études. Enfin, nous décrivons successivement les deux études réalisées avec des néologismes formels, correspondant à des lexèmes dénominaux suffixés en -ien, -ique et -esque, en détaillant la méthodologie employée, les résultats obtenus et l’interprétation que nous en proposons. Pour finir, nous engageons une discussion générale, avant de conclure et de suggérer différentes perspectives qu’ouvre ce travail.

2. Etat de l’art et problématique

2.1. Le sentiment néologique : études théoriques et expérimentales

Les néologismes sont définis par opposition au lexique conventionnel, vis-à-vis duquel ils manifestent une innovation qui peut porter sur une ou plusieurs composantes du lexème (composantes formelle, sémantique, syntaxique). Sablayrolles (Reference Sablayrolles2019a : 42) définit la néologie comme : « toute apparition d’un nouveau signifiant, y compris homonymique, d’un signifiant déjà existant, et tout nouvel emploi par rapport à un savoir intégré tant dans le sens que dans la combinatoire ». Nous entendons par lexique conventionnel, l’ensemble des unités lexicales utilisées et partagées par les locuteurs d’une même communauté linguistique, en synchronie. Si les dictionnaires descriptifs visent à répertorier ce lexique conventionnel, celui-ci consiste naturellement en des « données fluctuantes et aux contours non fixés » (Sablayrolles, Reference Sablayrolles2019a : 45), complexifiant l’identification des innovations, et la rendant dépendante de plusieurs facteurs extérieurs, qui incluent le contexte d’énonciation, le type de texte, la compétence des locuteurs impliqués, la langue employée, etc. (Sablayrolles, Reference Sablayrolles, Bernhard, Boisseau, Gérard, Grass and Todirascu2018b). Si le concept de lexique conventionnel reste donc abstrait et difficilement délimitable dans ses contours précis, nous considérons qu’il a une valeur heuristique importante, ce qui nous amène à l’adopter dans ce travail. En plus de la nouveauté lexicographique, la perception de l’innovation par les locuteurs est proposée comme critère pertinent pour la catégorisation des néologismes par Sánchez Manzanares (Reference Sánchez Manzanares2013), Lavale Ortiz (Reference Lavale Ortiz2019), Bernal et al. (Reference Bernal, Freixa and Torner2020) ou encore Winter-Froemel (Reference Winter-Froemel2020). Les locuteurs auraient en effet une compétence métalinguistique – universelle selon Gardin et al. (Reference Gardin, Lefèvre, Marcellesi and Mortureux1974) – à percevoir les néologismes. Cette compétence, nommée sentiment néologique (Gardin et al., Reference Gardin, Lefèvre, Marcellesi and Mortureux1974 ; Sablayrolles, Reference Sablayrolles and Sablayrolles2003 ; Ben Hariz Ouenniche, Reference Ben Hariz Ouenniche2009) ou intuition néologique (Lombard, Reference Lombard2024), permettrait aux locuteurs de repérer la néologicité de mots auxquels ils sont exposés, mais aussi celle des néologismes qu’ils peuvent produire eux-mêmes. Nous pouvons ainsi observer des manifestations de cette compétence en production comme en réception. En production, le locuteur peut marquer le néologisme qu’il emploie grâce à des marqueurs tels que les guillemets (3) ou des commentaires (4), selon Lecolle (Reference Lecolle2012), Dal et Namer (Reference Dal and Namer2018), Jacquet-Pfau (Reference Jacquet-Pfau, Bernhard, Boisseau, Gérard, Grass and Todirascu2018), Sablayrolles (Reference Sablayrolles2019a) et Winter-Froemel (Reference Winter-Froemel2020).

En réception, nous pouvons approcher le sentiment néologique des locuteurs en leur demandant de porter un jugement de néologicité sur des mots présentés, c’est-à-dire d’estimer si des mots font actuellement partie du vocabulaire de leur langue ou s’ils sont nouveaux. Ainsi, Gardin et al. (Reference Gardin, Lefèvre, Marcellesi and Mortureux1974), Sablayrolles (Reference Sablayrolles and Sablayrolles2003), Ben Hariz Ouenniche (Reference Ben Hariz Ouenniche2009) et Allam-Idou, S. (Reference Allam-Idou2017) ont sollicité des participants, souvent linguistes, pour relever les mots estimés comme néologiques au sein d’un même corpus. Meunier et al. (Reference Meunier, Dal, Fradin, Hathout, Hathout and Montermini2007) et Sánchez Manzanares (Reference Sánchez Manzanares2013) ont invité des locuteurs à statuer sur le caractère néologique ou attesté de mots isolés. Lombard et al. (Reference Lombard, Huyghe and Gygax2021, Reference Lombard, Huyghe and Gygax2024) ont fait appel à des participants pour indiquer si des phrases contenaient un mot nouveau et lequel. Ces études montrent, entre autres, que les jugements de néologicité portés présentent des variations inter-individuelles qui dépendent de facteurs extralinguistiques (facteurs liés aux caractéristiques sociodémographiques des locuteurs) et de facteurs linguistiques (tels que le procédé de formation ou encore la fréquence de l’affixe employé le cas échéant), ainsi que des variations intra-individuelles qui dépendent du cotexte dans lequel un mot apparait (Gardin et al., Reference Gardin, Lefèvre, Marcellesi and Mortureux1974 : 46–48).

Les marqueurs produits par les locuteurs-énonciateurs peuvent constituer des indices de néologicité pour les locuteurs-destinataires. Dans quels buts ces marqueurs sont-ils employés par les locuteurs-énonciateurs et avec quels impacts sur les locuteurs-destinataires ? Quels types de marqueurs sont le plus souvent associés aux néologismes ? Leur effet potentiel sur les jugements de néologicité est-il différent selon le type de marqueur employé ?

Les locuteurs-énonciateurs utilisent des marqueurs signalant le statut estimé néologique d’un mot employé afin d’attirer l’attention du locuteur-destinataire sur ce statut. Le locuteur peut ainsi souligner sa prise de distance avec le lexique conventionnel : il peut s’excuser (5), également se justifier (6), s’interroger (7) ou revendiquer sa créativité (8) (Sablayrolles, Reference Sablayrolles, Bernhard, Boisseau, Gérard, Grass and Todirascu2018b : 160).

Le locuteur-énonciateur peut également partager sa difficulté à trouver un mot dans le lexique conventionnel adapté à ce qu’il souhaite exprimer (9). De plus, il peut expliquer le sens de son néologisme (10) et émettre un jugement de valeur sur son innovation (11).

Toutes ces prises de position vis-à-vis d’un néologisme peuvent être exprimées par différents marqueurs, typographiques ou linguistiques : des guillemets, l’italique, la mise en couleur, un commentaire ou encore l’emploi de motifs syntaxiques particuliers, selon Lecolle (Reference Lecolle2012), Dal et Namer (Reference Dal and Namer2018), Jacquet-Pfau (Reference Jacquet-Pfau, Bernhard, Boisseau, Gérard, Grass and Todirascu2018), Sablayrolles (Reference Sablayrolles2019a) et Winter-Froemel (Reference Winter-Froemel2020). Parmi les motifs syntaxiques associés aux néologismes, Dal et Namer (Reference Dal and Namer2018) ont identifié les suivants : structures de type parallélisme ou chiasme, rafales, et échangismes. Les structures de type parallélisme ou chiasme fonctionnent sur le principe de la reprise d’au moins deux constructions linguistiques : la reprise n’est pas forcément identique, mais entretient une similarité structurelle ou sémantique avec la première construction (12). Les rafales suffixales sont définies par Tanguy (Reference Tanguy2012 : 104) comme des séquences contenant des séries de termes suffixés (13). Un échangisme est une permutation de suffixes entre au moins deux lexèmes construits (14).

Notons que les marqueurs de type typographique sont des indices implicites du ressenti de néologicité du locuteur-énonciateur et qu’ils sont ambigus, car ils peuvent avoir d’autres emplois. Par exemple, les guillemets peuvent signaler la présence de propos directement rapportés, permettre au locuteur d’exprimer que le mot attesté employé ne correspond pas exactement au contenu sémantique recherché mais que celui-ci n’a pas trouvé mieux (Bordas, Reference Bordas2017 : 2), ou encore exprimer un jugement notamment dans le discours journalistique (Nita, Reference Nita2019 : 9). Les commentaires métadiscursifs constituent eux des indices explicites : le locuteur-énonciateur verbalise son ressenti néologique. A notre connaissance, une seule étude (Sablayrolles, Reference Sablayrolles2000) a proposé une quantification de la présence de ces marqueurs. Dans celle-ci, Sablayrolles (Reference Sablayrolles2000 : 330, 346) constate que l’usage des marqueurs est répandu : les marques typographiques et les commentaires sont associés respectivement à 48 % et 20 % des 1070 néologismes relevés dans six corpus de la période 1989–1993 (périodiques, roman, journal, chroniques, productions scolaires, vie quotidienne de l’auteur).

Les locuteurs-destinataires rencontrent ces marqueurs et les traitent comme des indices qui peuvent impacter leurs jugements de néologicité. Gardin et al. (Reference Gardin, Lefèvre, Marcellesi and Mortureux1974 : 48) notent que la présence de marques métadiscursives « influence[nt] certainement » le locuteur-lecteur dans l’identification de néologismes. Ben Hariz Ouenniche (Reference Ben Hariz Ouenniche2009 : 42) indique que deux des quatre annotateurs de son expérience « se sont secondairement fiées […] à la présence de marques typographiques comme les italiques et ou les guillemets » pour repérer les néologismes dans un corpus. Ainsi, les marqueurs typographiques ou linguistiques semblent influencer les locuteurs-destinataires dans leurs jugements de néologicité, en favorisant le repérage des néologismes. Cependant, il n’existe pas d’étude mesurant précisément cette influence, à notre connaissance. De façon plus générale, Tardy (Reference Tardy1974 : 98) énonce que le locuteur-énonciateur peut « explicit[er] le plus souvent le caractère de nouveauté de cet emploi [néologique] par une marque énonciative quelconque » et que « ce dispositif énonciatif oriente également, pour une bonne part, l’attention du destinataire, et le conduit à reconnaitre comme néologiques des termes dont ces phénomènes d’énonciation semblent être les seuls indices. ». La production et la réception d’un néologisme par les locuteurs est donc pleinement ancrée dans une situation de communication (Gérard, Reference Gérard, Bernhard, Boisseau, Gérard, Grass and Todirascu2018), et les marqueurs ne sont qu’une partie du contexte plus global.

2.2. Questions de recherche

Comme nous l’avons mis en évidence dans la section précédente, les néologismes peuvent être accompagnés de marqueurs typographiques ou linguistiques produits par les locuteurs-énonciateurs afin d’attirer l’attention des locuteurs-destinataires sur le caractère néologique du mot employé. Ces marqueurs sont au centre d’un processus de communication entre locuteurs. Nous avons souhaité observer plus précisément la présence, la proportion et le type de marqueurs typographiques ou linguistiques employés par les locuteurs-énonciateurs à l’écrit, puis mesurer l’influence de ceux-ci sur les jugements de néologicité des locuteurs-destinataires, afin de mieux comprendre comment la notion de néologisme s’intègre dans la compétence métalinguistique des locuteurs. Nous nous posons plus précisément les quatre questions suivantes :

  • Q1 : Quels types de marqueurs typographiques ou linguistiques peuvent être utilisés par les locuteurs-énonciateurs lorsqu’ils produisent un néologisme ?

  • Q2 : Dans quelles proportions les locuteurs-énonciateurs emploient ces différents marqueurs ?

  • Q3 : La présence de ces marqueurs influence-t-elle les jugements de néologicité des locuteurs-destinataires face à un néologisme ?

  • Q4 : Ces marqueurs ont-ils une influence sur les jugements de néologicité des locuteurs-destinataires quel que soit le statut – néologique ou attesté – du mot marqué ?

Afin de répondre à ces questions, nous avons réalisé deux études complémentaires sur les manifestations du sentiment néologique, l’une en production, l’autre en réception. La première étude – production – est une étude de corpus, et la deuxième étude – réception – est une étude expérimentale de type questionnaire en ligne. L’étude de corpus nous permet d’appréhender les marqueurs associés aux néologismes produits spontanément par les locuteurs-énonciateurs, tandis que le questionnaire en ligne nous permet de contrôler la présence et le type de marqueurs reçus par les locuteurs-destinataires, et de recueillir leurs jugements de néologicité. Le matériel expérimental de la deuxième étude a été élaboré à partir des résultats de l’étude de corpus, afin de proposer aux locuteurs-destinataires des néologismes et des cotextes authentiques.

Nous avons réalisé une étude de corpus préliminaire en recherchant des néologismes par le biais de commentaires dans le corpus FrenchWeb 2017.Footnote 3 La majorité des 248 néologismes extraits (56 %) étaient des néologismes formels construits par suffixation ; nous avons isolé un groupe parmi les suffixes productifs : -ien, -ique et -esque. Nous avons ciblé dans nos deux études les néologismes construits avec ces trois suffixes. Ces suffixes permettent tous les trois de construire des adjectifs à partir de noms, tout en ayant des différences dans leur fréquence, la valeur relationnelle ou qualificative de l’adjectif construit et la sélection des bases nominales. Ainsi, Strnadová (Reference Strnadová2014 : 43–44) qui a recensé les adjectifs dénominaux de Lexique3 (New et Pallier, Reference New and Pallier2006) dénombre 825 suffixés en -ique, 313 suffixés en -ien et seulement 39 suffixés en -esque. On observe que les adjectifs dénominaux en -ien sont construits en majorité à partir d’une base nominale nom propre (84 %), contrairement à ceux en -esque (33 %) et à ceux en -ique (6 %). Enfin, concernant la valeur de l’adjectif, les adjectifs en -ique et en -ien semblent véhiculer principalement un sens relationnel (Baider et Gezundhajt, Reference Baider and Gezundhajt2004 : 21 ; Roché, Reference Roché2006 : 381 ; Lignon et Plénat, Reference Lignon, Plénat, Fradin, Kerleroux and Plénat2009 : 70) tandis que ceux en -esque peuvent porter une valeur comique, péjorative ou laudative, avec un trait sémantique d’intensité ou de hors norme (Corbin et al., Reference Corbin, Dal, Melis-Puchulu and Temple1993 : 80–81 ; Mélis-Puchulu, Reference Mélis-Puchulu1993 : 34 ; Baider et Gezundhajt, Reference Baider and Gezundhajt2004).

3. Etude 1 : Production

Notre première étude porte sur les manifestations du sentiment néologique en production. Nous avons choisi de réaliser une étude de corpus pour observer la présence, le type et la proportion des marqueurs que les locuteurs-énonciateurs peuvent utiliser spontanément lorsqu’ils emploient un néologisme. Nous avons défini les néologismes comme des mots nouveaux par rapport au lexique conventionnel, la nouveauté pouvant porter sur l’une ou plusieurs des trois composantes, formelle, sémantique et syntaxique (voir section 2). Suite à notre étude préliminaire, nous avons ciblé les néologismes formels construits par suffixation en -ien, -ique et -esque (voir section 2). Ces néologismes doivent ainsi présenter une nouveauté formelle par rapport à l’ensemble des unités lexicales utilisées et partagées par les locuteurs d’une même communauté linguistique en synchronie. Cependant, aucun indice univoque ne permet d’identifier sans ambiguïté quels mots ont le statut de néologismes. Nous avons donc adopté une définition opérationnelle, en considérant comme ayant un fort potentiel néologique les mots absents des dictionnaires de référence et ayant une fréquence très faible dans un grand corpus. Nous avons sélectionné deux dictionnaires pour filtrer nos données : le Trésor de la Langue Française (ATILF – CNRS et Université de Lorraine, 2004) qui manque de données récentes mais comporte un grand nombre de mots attestés, même ceux peu usités, et Le Petit Robert de la langue française (Editions Le Robert. s.d.), édition en ligne actualisée régulièrement. Nous avons choisi le corpus French Web 2017 (Lexical Computing Limited, 2017), accessible via SteckEngine, qui regroupe plus de 14 millions de documents variés collectés sur internet en décembre 2017, avec environ 6 milliards de mots enregistrés. Ce corpus généraliste – un des corpus de la famille TenTen (Jakubíček, M., et al. (Reference Jakubíček, Kilgarriff, Kovář, Rychlý, Suchomel, Hardie and Love2013) – comporte des productions linguistiques écrites récemment dans des contextes divers (sites internet, forums de discussion, articles de journaux en ligne, réseaux sociaux…), permettant d’étudier les manifestations du sentiment néologique en population générale (profils de locuteurs variés). Afin d’optimiser les chances de sélectionner de réels néologismes, nous avons retenu uniquement les mots de fréquence 1 de ce corpus. En effet, la probabilité qu’un mot – en particulier un mot dérivé – corresponde à un néologisme augmente pour les mots de basse fréquence, voire pour les hapax (Cartier et al., Reference Cartier, Sablayrolles, Boutmgharine, Humbley, Bertocci, Jacquet-Pfau, Kubler and Tallarico2018 ; Sablayrolles, Reference Sablayrolles2019b). L’examen systématique des hapax d’une partie du corpus nous permet de réduire les biais de sélection liés à l’intuition des chercheurs. En effet, en repérant des néologismes en corpus grâce à l’intuition, le chercheur travaille sur des données de production obtenues par le biais de ses propres jugements de néologicité (sentiment néologique en réception).

3.1. Méthodologie

La première étape de notre recherche a été de collecter des néologismes formels suffixés en -ien, -ique et -esque. Selon notre définition opérationnelle des néologismes (voir section 3), nous avons trié manuellement les mots se terminant par les séquences <ien>, <ique> et <esque> présents dans le corpus French Web 2017 avec une fréquence 1. Nous avons exclu les items correspondant à du bruit : fautes de frappe (ex : « parleritalien » pour « parler italien »), variations orthographiques de mots attestés (ex : « diahbetique » pour « diabétique »), mots dans une langue autre que le français contemporain, mots construits avec un procédé dérivationnel autre que la suffixation (ex : « anti-afrique »), mots avec une base non identifiable en synchronie (ex : « étranien »), propos rapportés et non produits par le locuteur lui-même. Nous avons exclu aussi les items présents dans au moins l’un des deux dictionnaires mentionnés précédemment (le Trésor de la Langue Française et Le Petit Robert de la langue française). Nous avons dû examiner manuellement 22 211 items pour retenir 1100 néologismes : 500 néologismes en -ien, 500 néologismes en -esque et seulement 100 néologismes en -ique, le bruit étant plus important pour ces derniers. En effet, nous avons retenu 29 % des mots en -esque examinés, 5 % des mots en -ien et seulement 1 % des mots en -ique.

Ces 1100 néologismes ont été extraits avec leur cotexte afin de pouvoir observer la présence d’éventuels marqueurs. Nous avons annoté le suffixe concerné (-ien/-ique/-esque) et la relation catégorielle entre la base formelle et le néologisme construit (par exemple : Verbe -> Adjectif). En cas d’ambiguïté sur la base du néologisme, nous avons opté pour la base la plus plausible, principalement la base nominale. Nous avons aussi annoté la présence d’un marqueur (OUI/NON) et le cas échéant, sa catégorie (typographique, commentaire, motif syntaxique). Concernant les marqueurs typographiques, nous n’avons pu annoter que la présence ou l’absence des guillemets, car l’italique, la mise en couleur ou encore le surlignage, n’apparaissent pas dans les résultats du corpus French Web 2017 et auraient nécessité de retrouver la page web source pour chaque occurrence. Pour les commentaires linguistiques, nous avons distingué les commentaires métadiscursifs par lesquels le locuteur explicite le statut néologique du mot employé, les paraphrases par lesquelles le locuteur en explique le sens, et les jugements de valeur qu’il porte sur son néologisme. Enfin, concernant les motifs syntaxiques, nous avons distingué les motifs syntaxiques repérés comme propices à l’emploi d’un néologisme par Dal et Namer (Reference Dal and Namer2018) : les structures de type parallélisme ou chiasme, les rafales, et les échangismes (voir section 2). Nous n’avons pas annoté le contexte global d’emploi du néologisme (type de document, genre littéraire…), difficilement identifiable dans le corpus en question, et nous nous sommes uniquement concentrés sur le cotexte accompagnant le néologisme, indépendamment de son contexte d’emploi. Notre recueil de néologismes et leur annotation sont librement consultables sur Nakala, dans le document Excel intitulé Etude1_Production.Footnote 4

3.2. Résultats

Nous avons exclu des résultats les données relatives à 7 néologismes qui se présentent comme une variation orthographique de mots attestés que nous n’avions pas repérée initialement.Footnote 5 L’analyse des résultats porte donc sur les données relatives à 1093 néologismes, dont 499 néologismes suffixés en -esque, 497 néologismes en -ien, et 97 néologismes en -ique. Avant de nous intéresser aux marqueurs associés, nous avons examiné les propriétés catégorielles des néologismes retenus, grâce à l’annotation de la relation catégorielle entre la base et le néologisme construit.

3.2.1. Relations catégorielles

Nous observons que la totalité des néologismes suffixés en -ien, -ique et -esque sont des adjectifs (voir tableau 1). La plupart (96,6 %) sont des adjectifs dénominaux (15) comme attendu.

Tableau 1 : Relation catégorielle entre le néologisme construit et sa base

Nous retrouvons aussi des adjectifs construits à partir d’autres bases de façon marginale (16), (17), (18).Footnote 6

Concernant les néologismes adjectivaux dénominaux, la base utilisée peut être un nom propre ou un nom commun dans des proportions significativement différentes selon le suffixe (χ2(2) = 232, p = <0,001). Ainsi, les néologismes en -ien sont majoritairement construits sur un nom propre, les néologismes en -esque présentent des proportions plus équilibrées, tandis que les néologismes en -ique sont majoritairement construits sur des noms communs (voir figure 1).

Figure 1: Bases Nom Commun ou Nom Propre des néologismes retenus.

3.2.2. Présence et types de marqueurs

L’analyse des annotations réalisées quant à la présence et au type de marqueurs nous apporte des éléments de réponse à nos deux premières questions (voir section 2). Les 1093 néologismes de notre corpus sont associés à au moins un marqueur dans 22,9 % des cas, dans des proportions comparables pour les trois suffixes (χ2(2) = 3,31, p = 0,191). Concernant la catégorie, les marqueurs typographiques (guillemets) sont les plus fréquemment employés par les locuteurs-énonciateurs. Ils sont associés à 15,9 % des 1093 néologismes. Un motif syntaxique est associé à 5,5 % des néologismes, et un commentaire est associé à 3,5 % des néologismes (voir tableau 2). Notons qu’un néologisme peut être associé à plusieurs marqueurs à la fois : nous avons donc un total de 272 marqueurs recensés pour 250 néologismes marqués.

Tableau 2 : Catégories de marqueurs associés aux néologismes

Lorsqu’on observe les commentaires plus précisément, on note que 15 néologismes sont associés à un commentaire de type métadiscursif (19) et (20), 20 néologismes sont accompagnés d’un commentaire de type paraphrase (21) et (22), 1 néologisme est associé à un commentaire à la fois métadiscursif et paraphrastique (23) et enfin, 2 néologismes sont accompagnés par trois types de commentaire : métadiscursif, paraphrase et jugement (24).

Du côté des motifs syntaxiques, on dénombre 40 néologismes intégrés dans une rafale suffixale (25) et (26), 17 néologismes dans une structure de type parallélisme-chiasme (27) et (28), et 1 néologisme dans un échangisme (29).

Nous avons aussi repéré 1 motif syntaxique proche des rafales suffixales, avec une rafale basée non pas sur des affixes, mais sur un thème (30).

3.3. Interprétation

Ces résultats nous apportent des éléments de réflexion sur les compétences métalinguistiques des locuteurs, à la fois quant à la construction de néologismes suffixés en -ien, -ique et -esque, et quant à l’association de marqueurs avec ces derniers. Les néologismes suffixés en -ien, -ique et -esque sont construits par les locuteurs-énonciateurs grâce à des procédés dérivationnels plutôt canoniques : 96,6 % des 1093 néologismes de notre corpus sont des adjectifs dénominaux, comme pour les mots attestés (Strnadová, Reference Strnadová2014). La proportion de ces adjectifs néologiques dénominaux construits à partir d’une base nom propre est plus importante que celle des adjectifs attestés selon Strnadová (Reference Strnadová2014 : 43–44), qui a recensé les adjectifs dénominaux de Lexique3 (New & Pallier, Reference New and Pallier2006). La différence est particulièrement marquée avec le suffixe -ique, (figure 2), ce qui peut être en lien avec nos choix méthodologiques (sélection d’hapax). Cependant, nous retrouvons la même gradation entre les suffixes que celle établie par Strnadová (Reference Strnadová2014 : 43–44) : les bases noms propres sont plus nombreuses pour les adjectifs néologiques et attestés en -ien, que respectivement pour ceux en -esque et en -ique, (figure 2).

Figure 2: Comparaison du pourcentage d’adjectifs dénominaux ayant une base nom propre entre les adjectifs néologiques de notre corpus et les adjectifs attestés listés par Strnadová (Reference Strnadová2014) sur la base de Lexique3.

La plupart du temps (77 %), les néologismes sont produits par les locuteurs-énonciateurs sans marqueurs. L’emploi de néologismes peut s’effectuer sans que les locuteurs-énonciateurs repèrent le caractère néologique, mais surtout sans qu’ils n’éprouvent le besoin de mettre en saillance le néologisme à l’aide de marqueurs typographiques ou linguistiques. L’emploi des marqueurs est moins important dans notre corpus que dans celui de Sablayrolles (Reference Sablayrolles2000) (voir tableau 3).

Tableau 3 : Pourcentage de néologismes associés à des marqueurs

La comparaison des résultats doit être modulée par les différences méthodologiques : Sablayrolles (Reference Sablayrolles2000) a relevé tous types de néologismes alors que nous avons ciblé des néologismes formels suffixés en -ien, -ique et -esque. De plus, il a utilisé son intuition parfois de façon non systématique pour les repérer (Sablayrolles, Reference Sablayrolles2000 : 253–254), tandis que nous avons réalisé un examen systématique d’hapax dans notre corpus. Enfin, les genres employés dans nos corpus diffèrent : notre corpus est généraliste, la majorité du corpus de Sablayrolles (Reference Sablayrolles2000 : 253) est de genre journalistique ou littéraire. Sablayrolles (Reference Sablayrolles2000 : 330) constate que les commentaires sont plus nombreux dans des sous-corpus de presse (journal Le Monde et publication des chroniques de P. Meyer sur France Inter) et explique ce fait par l’importance du genre informatif et normatif propre aux médias « le souci pédagogique qui fait gloser une lexie nouvelle […] et le désir de ne pas être pris en faute pour mauvaise maîtrise du lexique ». Ainsi, si les commentaires sont estimés moins nombreux dans la vie quotidienne que dans le discours journalistique, cela pourrait expliquer qu’ils soient moins présents dans notre étude (3,5 % des néologismes) que dans celle de Sablayrolles (19,9 %). Pour la typographie, n’ayant pu annoter que la présence de guillemets, notre pourcentage de marqueurs typographiques paraît sous-estimé (19,5 %), Sablayrolles (Reference Sablayrolles2000 : 346) recensant 48 % de néologismes associés à des marqueurs de ce type, incluant également l’italique, la mise en gras ou en couleur, la variation de la taille de la police, l’emploi de l’écriture cursive. Les guillemets seuls sont toutefois moins représentés dans notre étude (19,5 %) que dans celle de Sablayrolles (35 %). Notons que Sablayrolles (Reference Sablayrolles2000 : 347) a inclus dans son corpus les néologismes rapportés, parfois accompagnés de guillemets de citation, alors que ces derniers ont été exclus de notre étude (voir section 3.1).

Nous formulons l’hypothèse que ces marquages, décrits dans la littérature et mesurés par Sablayrolles (Reference Sablayrolles2000) et nous-mêmes, répondent à des besoins communicatifs (Dal et Namer, Reference Dal and Namer2018 ; Sablayrolles, Reference Sablayrolles2019a ; Winter-Froemel, Reference Winter-Froemel2020), en s’insérant pleinement dans des situations de communication entre locuteurs (Tardy, Reference Tardy1974). Nous analyserons dans notre deuxième étude si ce marquage a réellement une influence sur les locuteurs-destinataires. Enfin, les marqueurs associés aux néologismes montrent que les locuteurs-énonciateurs qui les emploient font preuve d’un savoir et d’une réflexion métalinguistique sur des innovations lexicales par rapport au lexique conventionnel : ces marqueurs peuvent être considérés comme une manifestation du sentiment néologique des locuteurs.

4. Etude 2 : Réception

Cette seconde étude porte sur les manifestations du sentiment néologique en réception : nous avons réalisé une étude expérimentale de type questionnaire en ligne afin de mesurer l’influence de la présence et du type de marqueurs sur les jugements de néologicité des locuteurs-destinataires. Nous avons ciblé notre étude sur deux marqueurs : les guillemets et les commentaires métadiscursifs. Notre première étude a en effet montré qu’ils sont tous les deux associés aux néologismes dans des proportions importantes, tout en étant des types de marqueurs différents (implicites pour les guillemets, explicites pour les commentaires). En lien avec notre première étude, nous avons présenté aux participants des néologismes suffixés en -ien, -ique et -esque extraits de notre corpus. Afin de recueillir des jugements de néologicité des locuteurs-destinataires, nous avons proposé aux participants des phrases contenant un néologisme ou un mot attesté apparié (comportant le même suffixe). Ces derniers ont été présentés sans marqueur, encadrés de guillemets, ou accompagnés par un commentaire. Les participants ont dû répondre à la question « Selon vous, y a-t-il un mot nouveau dans la phrase suivante ? », et le cas échéant, indiquer le mot concerné, ainsi que le degré de néologicité ressenti (échelle de 1 à 5).

4.1. Méthodologie

4.1.1. Participants

725 participants de langue maternelle française ont rempli le questionnaire dans sa totalité, nous assurant un minimum de 100 participations pour chacune des six versions du questionnaire. Les questions de profil nous ont permis de recueillir des informations concernant des données sociodémographiques (âge, genre, niveau d’études), les langues maternelles (éventuelles langues maternelles supplémentaires au français), l’usage du français (pays de résidence actuel, usage quotidien du français) et les habitudes de lecture (nombre de livres lus par an). Nous avons gardé les données relatives aux 635 participants francophones natifs âgés de 18 à 70 ans (MOY = 40,5 ; σ = 14,2), résidant en France et utilisant le français au quotidien.

4.1.2. Matériel

Néologismes

Nous avons sélectionné 42 néologismes et leur cotexte parmi les néologismes extraits lors de notre étude de production : 14 néologismes suffixés en -esque, 14 néologismes suffixés en -ien et 14 néologismes suffixés en -ique. Ces 42 néologismes ont été appariés avec 42 adjectifs attestés répondant aux critères suivants : même suffixe que le néologisme cible, de haute fréquence (fréquence supérieure à 12000 pour -ien et -ique, et supérieure à 5000 pour -esque) dans le corpus French Web 2020 Footnote 7, maintien de la cohérence et de la cohésion lorsque le néologisme est remplacé par le mot attesté dans la phrase source. Nous avons adapté les phrases d’où les néologismes ont été extraits, afin de les uniformiser davantage. Nous avons ainsi résumé des phrases longues, complété des phrases syntaxiquement incomplètes, ou changé un mot pour un synonyme plus courant. Nous avons rétabli une orthographe et une ponctuation conventionnelles. Nous avons également supprimé les majuscules en début de néologisme, et les tirets entre la base et l’affixe du néologisme, car nous avons estimé que ces éléments pouvaient constituer des marqueurs supplémentaires de néologicité.

Stimuli

Nous avons associé six conditions à chacun des 42 néologismes retenus :

  • - Phrase source avec néologisme seul.

  • - Phrase source avec néologisme accompagné de guillemets.

  • - Phrase source avec néologisme accompagné d’un commentaire métadiscursif.

  • - Phrase source avec mot attesté apparié seul.

  • - Phrase source avec mot attesté apparié accompagné de guillemets.

  • - Phrase source avec mot attesté apparié accompagné d’un commentaire métadiscursif.

Nous avons conçu des stimuli comportant des marqueurs associés tant aux néologismes qu’aux mots attestés, afin de mesurer l’influence des marqueurs indépendamment du statut néologique du mot. Pour illustrer notre propos, voici un exemple, avec les 6 conditions associées au néologisme banditique (31).

Les commentaires métadiscursifs associés sont des commentaires authentiques relevés dans le corpus French Web 2017. Nous avons alterné entre des commentaires de type revendication (32), excuse (33) et interrogation (34).

L’ensemble des stimuli est librement consultable sur Nakala, dans le document Excel intitulé Etude2_Reception_Stimuli.Footnote 8

Versions du questionnaire

Nous avons construit six versions différentes de notre questionnaire, avec une répartition en carré latin, afin que chaque participant soit soumis à une seule des six conditions associées à chaque néologisme. Chaque version comporte 42 items (néologismes et mots attestés) : 14 items en -ien, 14 items en -ique et 14 items en -esque.

4.1.3. Protocole

Le questionnaire a été proposé en ligne via la plateforme Qualtrics (Qualtrics, 2005) à tout locuteur de langue maternelle française, du 16 décembre 2022 au 20 février 2023, avec une durée moyenne annoncée de 40 minutes, sans indemnité de participation. Après avoir défini les mots nouveaux comme « des mots qui ne font pas partie de la langue française actuellement », nous avons présenté les stimuli un par un aux participants, et nous leur avons demandé d’effectuer trois tâches.

  • - Tâche 1 : La question posée était « Selon vous, y a-t-il un mot nouveau dans la phrase suivante ? », avec comme réponses possibles OUI/NON/Je ne suis pas sûr. Nous leur avons permis de répondre « Je ne suis pas sûr », afin d’exprimer un doute avec un faible ressenti de néologicité. Nous avons prévu de regrouper les réponses exprimant un ressenti de néologicité faible (« Je ne suis pas sûr ») et celles exprimant un ressenti plus affirmé (« OUI ») pour l’analyse des résultats.

En cas de réponse positive (« OUI » ou « Je ne suis pas sûr ») à la tâche 1, nous avons proposé les tâches 2 et 3.

  • - Tâche 2 : Il s’agissait de cliquer sur le mot de la phrase estimé comme nouveau, pour vérifier que le mot évalué corresponde bien au néologisme ou au mot attesté apparié.

  • - Tâche 3 : Les participants ont dû indiquer le degré de néologicité du mot, grâce à une échelle de 1 à 5, en répondant à la question « Selon vous, à quel point ce mot est-il éloigné du vocabulaire actuel du français ? ».

Le déroulement détaillé de l’expérience est présenté dans la figure 3.

Figure 3: Déroulement de l´expérience.

4.2. Résultats

Nous avons exclu des résultats les réponses aux items pour lesquels le participant a identifié comme nouveau un mot autre que le néologisme ou le mot attesté apparié. Nous avons également exclu toutes les données relatives à l’item n° 23 : le néologisme retenu – charlatannesque – présente une variation orthographique du mot attesté charlatanesque, et n’aurait donc pas dû être retenu pour notre étude. Nous disposons ainsi de 25 797 jugements de néologicité (« mot nouveau »/« pas de mot nouveau »/« Je ne suis pas sûr ») et de 11 487 appréciations du degré de néologicité (note de 1 à 5), au sujet de 41 items. Ces données sont librement consultables sur Nakala, dans le document Excel intitulé Etude2_Reception_Resultats.Footnote 9

4.2.1. Influence du caractère néologique sur les jugements de néologicité

Tout d’abord, comme attendu, nous constatons que les néologismes sont majoritairement qualifiés comme « mot nouveau » (72,8 %), et que les participants ont majoritairement indiqué qu’il n’y avait « pas de mot nouveau » dans les phrases contenant les mots attestés (95,9 %). Les locuteurs ont eu un doute (« Je ne suis pas sûr ») pour 11,7 % des néologismes et pour 1,5 % des mots attestés. Pour la suite de l’analyse, nous avons groupé comme prévu les réponses exprimant un ressenti de néologicité (« mot nouveau » + « Je ne suis pas sûr ») pour les comparer avec celles n’en exprimant pas du tout (« pas de mot nouveau »). Les néologismes sont qualifiés comme davantage nouveaux que les mots attestés de façon significative (χ2(1)=16858, p=<0,001). De plus, lorsqu’ils ont été jugés comme nouveaux, les néologismes ont été associés à une note exprimant le degré de néologicité (MOY=3,0) plus élevée que celle associée aux mots attestés (MOY=2,3), de façon significative (U=1,99e+6, p=< 0,001).

4.2.2. Influence des marqueurs sur les jugements de néologicité

L’analyse des qualifications « mot nouveau »/« pas de mot nouveau » au sujet des néologismes et des mots attestés, selon la présence ou non de marqueur (guillemets ou commentaires), apporte des éléments à nos deux dernières questions (voir section 2).

Néologismes

Lorsqu’ils sont associés à un marqueur, les néologismes sont davantage qualifiés comme « mot nouveau » (85,7 %) que lorsqu’ils sont présentés seuls (82,1 %), de façon significative (χ2(1)=28,4, p=<0,001). Cette augmentation de la détection du néologisme en présence d’un marqueur est différente selon les items : les 14 items pour lesquels celle-ci est la plus forte sont présentés dans le tableau 4. Ainsi, la présence d’un marqueur augmente de plus de 10 % le taux de qualification comme « mot nouveau » des néologismes damocletien, greenwichien, édénesque, hiltonien, ébénique et charlemagnesque.

Tableau 4 : Taux de détection du néologisme (qualifications comme « mot nouveau »), sans et avec marqueur

Toutefois, lorsque les néologismes sont jugés comme nouveaux, nous n’observons pas de différence significative (U=1,42e+7, p=0,179) entre la note exprimant le degré de néologicité associé aux néologismes avec marqueurs (MOY=3,0) et celle associée aux néologismes seuls (MOY=3,0).

Mots attestés

La présence d’un marqueur pourrait même influencer les jugements de néologicité à propos des mots attestés : 73,1 % des 527 mots attestés qualifiés comme nouveaux sont accompagnés d’un marqueur (χ2(1)=9,93, p=0,002). La présence d’un marqueur pourrait aider les locuteurs à trancher en faveur d’un mot nouveau lorsque ceux-ci ont un doute, comme pour prolétarien, clownesque et dantesque (voir tableau 5).

Tableau 5 : Taux de jugement comme « mot nouveau » pour les mots attestés_1

Lorsque les locuteurs ne doutent pas du statut attesté d’un mot, comme pour babylonien, quotidien ou napoléonien, le taux de qualification comme « mot nouveau » est négligeable en l’absence de marqueur. Cependant, même pour ces mots bien ancrés dans le lexique conventionnel, la présence d’un marqueur peut faire douter les participants et les amener à les qualifier comme nouveaux dans 5 à 10 % des cas (voir tableau 6). Une explication possible pourrait être que les marqueurs ont pu induire les locuteurs à traiter ces mots attestés comme étant employés avec un sens nouveau, relevant ainsi de la néologie sémantique (35) à (37).

Tableau 6 : Taux de jugement comme « mot nouveau » pour les mots attestés_2

En revanche, comme pour les néologismes, lorsque les mots attestés sont jugés comme nouveaux, nous n’observons pas de différence significative (U=27119, p=0,885) entre la note exprimant le degré de néologicité associée aux mots attestés avec marqueurs (MOY=2,3) et celle associée aux mots attestés seuls (MOY=2,3).

4.2.3. Influence du type de marqueur sur les jugements de néologicité

Nous avons souhaité étudier la différence de poids relative sur les jugements de néologicité entre les guillemets (marqueurs implicites) et les commentaires (marqueurs explicites). Les néologismes associés à un marqueur sont qualifiés comme nouveaux à 85,1 % en présence de guillemets et à 86,2 % en présence d’un commentaire. La différence n’est pas significative (χ2(1)=2,21, p=0,137). Les mots attestés associés à un marqueur sont qualifiés comme nouveaux à 4,5 % en présence de guillemets comme d’un commentaire (χ2(1)=1,26e-4, p=0,991). Les guillemets et les commentaires semblent avoir une influence identique sur les jugements de néologicité des locuteurs.

4.2.4. Analyse statistique des résultats

Nous avons procédé à l’analyse de ces données en utilisant une méthode reposant sur les statistiques inférentielles : la régression logistique. En tant que méthode de statistique inférentielle, cette dernière permet de généraliser au-delà de l’échantillon étudié. Autrement dit, à partir des résultats obtenus auprès des 635 participants, cette méthode permet de confirmer l’effet des variables indépendantes (statut néologique du mot, présence ou non d’un marqueur) pour une population plus large, dont les participants ne sont qu’un échantillon. Cette méthode permet d’analyser le comportement d’une variable binaire, ici la décision des participants (mot nouveau ou non), en fonction de variables prédictrices (ici les deux variables indépendantes manipulées dans l’expérience : statut néologique du mot, présence ou non d’un marqueur). Dans notre cas, le résultat de la régression logistique s’interprète comme la probabilité que les participants choisissent la réponse « mot nouveau », étant donné les deux variables indépendantes. Ces variables prédictrices sont des variables à effets fixes, c’est-à-dire des variables explicatives conditionnant la probabilité d’avoir la réponse « mot nouveau ». Cependant cette probabilité est également dépendante des participants. On dit que les participants sont des sources de variation. Pour permettre une généralisation des effets des variables prédictrices au-delà de cette source de variation, nous traitons les participants comme un effet aléatoire, c’est-à-dire comme une variable formant des sous-groupes dans les données. Nous avons donc créé un modèle de régression logistique à effets mixtes (effets fixes et effets aléatoires), prédisant la décision des participants (mot nouveau ou non) à partir des deux variables indépendantes de notre expérience (statut néologique du mot, présence ou non d’un marqueur), et avec les participants comme effet aléatoire (voir annexe 1). Une fois prise en compte la variabilité des décisions liée aux individus grâce aux effets aléatoires, on observe que toutes les variables à effets fixes ont un effet significatif. Comme attendu, le statut néologique du mot fait augmenter très fortement la probabilité que le participant identifie un mot nouveau, avec un rapport de chance de 245,90 (p<0,001), ce qui signifie qu’un néologisme a près de 246 fois plus de chance d’être détecté comme mot nouveau, par rapport à un mot du lexique conventionnel. La présence d’un marqueur a également un effet significatif, bien que moindre : un mot, quel que soit son statut néologique, a 1,36 fois plus de chance d’être identifié comme mot nouveau s’il est présenté avec un marqueur (rapport de chance 1,36 ; p<0,00001).

4.3. Interprétation

Ces résultats nous apportent des éléments de réflexion quant au rôle joué par les marqueurs associés aux néologismes, aux compétences métalinguistiques des locuteurs sur la néologie, et sur la conception des néologismes. Les locuteurs-destinataires repèrent les néologismes dans les phrases présentées (84,5 %) : ils font preuve d’un savoir et d’une réflexion métalinguistique au sujet des innovations lexicales par rapport au lexique conventionnel. Les jugements de néologicité peuvent être considérés comme une manifestation du sentiment néologique en réception des locuteurs. De plus, les locuteurs-destinataires sont sensibles aux moyens communicatifs déployés par les locuteurs-énonciateurs de façon différée à l’écrit, puisqu’ils traitent les marqueurs produits à leur attention par les locuteurs-énonciateurs. En effet, la présence d’un marqueur typographique ou linguistique peut influencer les jugements de néologicité des locuteurs-destinataires, avec une augmentation des taux de détection des néologismes. Toutefois, la présence de ces marqueurs n’entraîne pas d’augmentation du degré de néologicité exprimé par la note (de 1 à 5) attribuée. Les marqueurs semblent attirer l’attention des locuteurs-destinataires sur le néologisme et ainsi faciliter l’identification de ce dernier, sans intervenir ensuite dans l’appréciation du degré de néologicité.

4.4. Observations autour des paramètres socio-démographiques

Les résultats obtenus laissent entrevoir des liens entre jugements de néologicité et profil socio-démographique des locuteurs, bien que cela ne fasse pas partie des critères étudiés. Les néologismes présentés dans le questionnaire en ligne étant des hapax dans le corpus French Web 2017 et absents du dictionnaire le Petit Robert de la langue française, qui est régulièrement actualisé, nous nous attendions à ce qu’ils ne fassent partie du vocabulaire d’aucun des 635 participants. Néanmoins, les participants peuvent estimer qu’un mot qui leur est inconnu pourrait appartenir au lexique conventionnel, d’autant plus s’ils se sentent en insécurité linguistique. Nous observons ainsi que le taux de détection des néologismes augmente avec l’âge, le niveau d’étude, et les habitudes de lecture des participants (voir figures 4 à 6).

Figure 4: Taux de détection des néologismes selon la classe d’âge des participants.

Figure 5: Taux de détection des néologismes selon le niveau d’études des participants.

Figure 6: Taux de détection des néologismes selon les habitudes de lecture des participants.

Afin de mieux comprendre l’effet de ces trois variables et conformément à l’analyse statistique présentée en section 4.2.4, nous avons créé trois modèles de régression logistique comprenant trois effets fixes (la présence ou non d’un marqueur, la variable socio-démographique étudiée, et l’interaction entre ces deux variables) et un effet aléatoire (les participants). Les résultats du modèle relatif à l’âge (voir annexe 3) montrent que plus l’âge des participants augmente, plus la probabilité de détecter le néologisme augmente et plus l’effet du marqueur diminue (voir figure 7).

Figure 7: Probabilité de détection des néologismes seuls ou associés avec un marqueur, selon l’âge des participants.

Une hypothèse à tester pourrait être que plus les locuteurs sont âgés, moins ils sont sujets à l’insécurité linguistique, et moins ils sont influencés par les marqueurs. Cette hypothèse de travail pourrait être explorée plus avant en comparant le comportement de participants répartis dans des groupes d’âge, mais ayant des profils socio-démographiques comparables. En revanche, les résultats des modèles relatifs au niveau d’étude et aux habitudes de lecture des participants, n’ont pas montré d’effet significatif de ces variables sur la probabilité de détecter un néologisme.

5. Discussion générale

Les types de marqueurs associés aux néologismes listés dans la littérature, en particulier les guillemets, commentaires et motifs syntaxiques, sont bien retrouvés dans notre étude de corpus. Alors que des travaux précédents – Lecolle (Reference Lecolle2012), Dal et Namer (Reference Dal and Namer2018), Jacquet-Pfau (Reference Jacquet-Pfau, Bernhard, Boisseau, Gérard, Grass and Todirascu2018), Sablayrolles (Reference Sablayrolles2019a) et Winter-Froemel (Reference Winter-Froemel2020) – analysent des exemples de marqueurs associés aux néologismes relevés en corpus, notre étude, comme celle de Sablayrolles (Reference Sablayrolles2000), propose une quantification de la présence (22,9 %) et du type (64,0 % de guillemets) de ces marqueurs. Si le rôle de ces marqueurs dans l’identification des néologismes par les locuteurs est mentionné par Gardin et al. (Reference Gardin, Lefèvre, Marcellesi and Mortureux1974) et Ben Hariz Ouenniche (Reference Ben Hariz Ouenniche2009), notre étude permet de confirmer de façon expérimentale cette influence (+3,6 % de détection des néologismes en moyenne). Ces résultats attirent l’attention sur la méthodologie employée lors des études analysant les néologismes en production. Lorsque le relevé des néologismes en corpus est réalisé selon l’intuition des locuteurs (Gardin et al. (Reference Gardin, Lefèvre, Marcellesi and Mortureux1974), Sablayrolles (Reference Sablayrolles and Sablayrolles2003), Ben Hariz Ouenniche (Reference Ben Hariz Ouenniche2009) et Allam-Idou, S. (Reference Allam-Idou2017)), on peut supposer que ceux associés à un marqueur sont identifiés plus facilement, entrainant une potentielle surreprésentation des néologismes accompagnés de marqueurs. Ainsi, dans l’étude quantitative de Sablayrolles (Reference Sablayrolles2000), les marqueurs ayant probablement attiré l’attention du linguiste lors de son relevé, il existe un biais méthodologique qui contribue à expliquer l’écart entre les chiffres de son étude et de la nôtre, aussi bien au niveau des guillemets (35 % vs. 19,5 %) que des commentaires (19,9 % vs. 3,5 %). Nous pensons notamment aux néologismes relevés dans le journal Le Monde qui ont été identifiés par l’auteur de façon non systématique au gré de ses lectures personnelles, et à ceux du sous corpus « Divers », composé de néologismes lus ou entendus par l’auteur dans sa vie quotidienne (conversations amicales, affiches, émissions télévisuelles ou radiophoniques). Dans notre étude de corpus, nous avons cherché à opérationnaliser la définition des néologismes, afin de nous extraire de notre intuition et ainsi échapper à ce biais méthodologique.

Les deux études nous ont permis d’explorer les manifestations du sentiment néologique des locuteurs, défini comme la capacité des locuteurs à repérer la nouveauté d’un mot par rapport au lexique conventionnel. Les résultats obtenus en production à partir du corpus French Web 2017 laissent penser que les jugements qui émanent de cette capacité sont gradables, puisque certains commentaires métadiscursifs semblent exprimer un ressenti de néologicité fort (38) et (39), tandis que d’autres dénotent un ressenti de néologicité plus modéré (40) à (42).

Les réponses au questionnaire indiquent qu’en réception également, les jugements découlant du sentiment néologique sont gradables. Premièrement, les participants se sont saisis de la possibilité d’exprimer un ressenti de néologicité faible, en cliquant sur « Je ne suis pas sûr » à la place de « mot nouveau » ou « pas de mot nouveau » pour 11,7 % des néologismes (voir section 4.2.1). Deuxièmement, ils ont exploité les 5 modalités de l’échelle proposée à la tâche n° 3 pour estimer le degré de néologicité des néologismes (voir figure 8).

Figure 8: Répartition des notes (1 à 5) attribuées aux néologismes.

On observe par exemple que le néologisme chomesque obtient une note moyenne de néologicité de 3,55 contre seulement 2,14 pour le néologisme égérique. Ainsi, notre travail permet de préciser la gradabilité des jugements de néologicité en en proposant une quantification à l’aide d’une échelle. De ce point de vue, notre travail permet de compléter les études précédentes (Gardin et al., Reference Gardin, Lefèvre, Marcellesi and Mortureux1974 ; Sablayrolles, Reference Sablayrolles and Sablayrolles2003 ; Meunier et al., Reference Meunier, Dal, Fradin, Hathout, Hathout and Montermini2007 ; Ben Hariz Ouenniche, Reference Ben Hariz Ouenniche2009 ; Sánchez Manzanares, Reference Sánchez Manzanares2013 ; Allam-Idou, S., Reference Allam-Idou2017 ; Lombard et al., Reference Lombard, Huyghe and Gygax2021, Reference Lombard, Huyghe and Gygax2024) dans lesquelles les relevés de néologismes (liste) et les jugements de néologicité (réponses OUI/NON) sont recueillis uniquement selon un mode binaire. Les jugements gradués que nous avons obtenus peuvent s’interpréter à la lumière des notions de « degrés de néologicité » (grados de neologicidad) de Lavale Ortiz (Reference Lavale Ortiz2019 : 217) et de « saillance néologique » de Lombard et al. (Reference Lombard, Huyghe and Gygax2024). Une note élevée donnée à un néologisme pourrait être le reflet d’un haut degré de néologicité ou d’une saillance élevée du mot, en raison d’abord de la forme du mot, qui peut plus ou moins s’éloigner du lexique conventionnel, mais également en raison du cotexte qui participe à l’assignation d’un sens à ce mot et de ce fait, peut augmenter ou diminuer le cout cognitif nécessaire pour attribuer un sens au mot en question. Par ailleurs, alors que la présence d’un marqueur impacte significativement la quantité de mots identifiés comme néologiques dans nos résultats, elle n’a pas d’effet significatif sur la note attribuée par les participants dans notre questionnaire (voir section 4.2.2). Les marqueurs, tels que les guillemets et les commentaires verbalisant le ressenti néologique du locuteur-énonciateur, jouent un rôle dans la détection des néologismes, en attirant l’attention des locuteurs-destinataires, mais ils ne semblent pas faciliter l’assignation d’un sens et donc avoir une incidence sur le cout cognitif nécessaire pour traiter le néologisme, une fois celui-ci identifié.

L’un des apports de notre étude est d’avoir recueilli les jugements de néologicité des locuteurs sous la forme de notes. Toutefois, plusieurs participants nous ont fait un retour spontané sur leur difficulté à se servir de l’échelle proposée, ce qui questionne l’adéquation d’un tel outil pour évaluer le degré de néologicité. L’intérêt et la plausibilité des résultats que nous avons obtenus sont probablement liés à la grande quantité de participants : dans les cas où une tache est difficile et implique de la variation dans les réponses, seul un nombre important de participants permet d’observer des tendances claires. Il pourrait être pertinent d’utiliser d’autres mesures pour évaluer le degré de néologicité, à l’image de ce qu’ont proposé Lombard et al. (Reference Lombard, Huyghe and Gygax2024). En utilisant les temps de réaction et de fixation oculaire des participants à qui ils demandaient de se prononcer sur le statut néologique ou non de mots dans des phrases, ces auteurs ont pu évaluer le cout cognitif nécessaire pour traiter le mot nouveau. Ainsi, la tache métalinguistique explicite telle que nous l’avons proposée pourrait être complétée par des mesures comportementales, évaluant le cout d’intégration cognitif et donc de façon indirecte le degré de néologicité (Lavale Ortiz, Reference Lavale Ortiz2019).

Nos deux études ont été réalisées à partir de néologismes adjectivaux suffixés en -ien, -ique et -esque. Nos résultats permettent donc d’explorer également l’influence du suffixe sur les jugements de néologicité des locuteurs. En production, si l’on observe plus précisément la distribution des marqueurs selon les suffixes, on constate que le suffixe -ique attire un peu plus les motifs syntaxiques (41,4 % des marqueurs associés à -ique sont des motifs, contre 14,2 % et 24,6 % pour -esque et -ien), tandis que le suffixe -esque est plus souvent associé aux guillemets (70,8 % des marqueurs associés à -esque sont des guillemets, contre 63,1 % et 41,4 % pour -ien et -ique). Ces différences de distributions sont statistiquement significatives (χ2(4)=12,2, p=<0,02). Ainsi, il semble que les locuteurs traitent les néologismes de façon différenciée quand ils les produisent. Ils ont plus souvent recours aux guillemets avec -esque, ce que l’on peut interpréter comme le signe qu’ils repèrent plus fréquemment le caractère néologique du mot. En réception, nous remarquons dans notre étude expérimentale que 90,7 % des néologismes en -esque ont été qualifiés de « mots nouveaux », contre 82,5 % pour ceux en -ique et 80,7 % pour ceux en -ien. Afin de vérifier si les différences des proportions dans les données expérimentales sont statistiquement significatives, nous avons procédé au même type d’analyse statistique que celle présentée en section 4.2.4, pour un sous-ensemble de nos résultats expérimentaux : les décisions des participants concernant les néologismes uniquement. Nous avons donc créé un modèle de régression logistique, prédisant la probabilité que les participants choisissent la réponse « mot nouveau » en fonction de deux variables prédictrices : la présence d’un marqueur et le suffixe construisant le néologisme (-esque, -ien ou -ique) (voir annexe 2). Les résultats montrent que les suffixes -esque et -ique ont respectivement 2,67 et 1,15 fois plus de chances de déclencher un jugement « mot nouveau » que le suffixe -ien. Par ailleurs, la présence du marqueur (rapport de chance 1,37 ; p<0,001) a un effet similaire à celui identifié dans l’analyse de la section 4.2.4 et homogène selon les suffixes, comme l’illustre la figure 9 : le marqueur augmente systématiquement la probabilité que les participants classent le mot dans la catégorie « mot nouveau », indépendamment de l’effet joué par le suffixe.

Figure 9: Probabilités que le néologisme soit qualifié de « mot nouveau », selon son suffixe et la présence ou non d’un marqueur.

L’analyse statistique confirme donc que les suffixes -esque et -ique augmentent les chances que les participants qualifient les néologismes comme nouveaux. Ces résultats doivent cependant être considérés avec précaution, car le protocole ne visait pas à évaluer l’effet des suffixes sur la décision des participants ; seule une étude plus ciblée permettrait de les confirmer. Malgré leur caractère exploratoire, nos résultats sont cohérents avec ceux de Lombard et al. (Reference Lombard, Huyghe and Gygax2024). En effet, ces auteurs ont observé que plus un suffixe est fréquent et productif, moins les néologismes construits sont identifiables. Ainsi, l’identification des néologismes en -esque pourrait être facilitée par la moins grande fréquence des adjectifs attestés construits avec ce procédé, par rapport à celle des adjectifs en -ique ou en -ien (Strnadová, Reference Strnadová2014 : 43). Selon Lavale Ortiz (Reference Lavale Ortiz2019 : 217) et Lombard et al. (Reference Lombard, Huyghe and Gygax2024), plus le traitement et l’assignation d’un sens au néologisme rencontré est couteuse, plus le degré de néologicité ou la saillance néologique est forte. Ainsi, l’identification des néologismes en -esque pourrait également être renforcée par des valeurs sémantiques particulières (voir section 2). Mélis-Puchulu (Reference Mélis-Puchulu1993 : 38) précise que « l’incorporation systématisée du locuteur dans leur sens dérivationnel fait des suffixés en -esque un exemple d’énonciation intégrée dans la langue, ce qui les distingue d’adjectifs suffixés par ex. par -ien ou -ique. ». Le suffixe -esque apparait donc comme potentiellement porteur d’une dimension néologique plus forte que les deux autres suffixes, ce qui déclencherait un besoin plus fréquent de signaler le néologisme avec des guillemets en production et un taux plus élevé de détection du néologisme en réception.

6. Conclusion et perspectives

Dans cette étude, nous nous sommes intéressés à la présence et au rôle des marqueurs typographiques et linguistiques associés aux néologismes, et plus précisément aux adjectifs néologiques dénominaux suffixés en -ien, -ique et -esque. Les résultats de notre étude de corpus (production) et de notre étude expérimentale de type questionnaire en ligne (réception) apportent des éléments de réponse à nos quatre questions initiales.

  • Q1 : Les locuteurs-énonciateurs peuvent produire des marqueurs typographiques de type guillemets et des marqueurs linguistiques de type commentaire ou motif syntaxique lorsqu’ils produisent un néologisme.

  • Q2 : La plupart du temps, les néologismes sont employés sans marqueur. Seuls 22,9 % des 1093 néologismes de notre corpus sont associés avec au moins un marqueur. Les locuteurs-énonciateurs semblent privilégier les marqueurs typographiques de type guillemets, qui représentent 64,0 % de tous les marqueurs recensés, devant les motifs syntaxiques (22,1 %) et les commentaires (14,0 %).

  • Q3 : Les marqueurs produits par les locuteurs-énonciateurs influencent les jugements de néologicité des locuteurs-destinataires : la présence de guillemets ou de commentaires augmente le taux de qualification comme « mot nouveau » des néologismes (85,7 % avec marqueur versus 82,1 % sans marqueur), de façon significative (χ2(1)=28,4, p=<0,001). L’influence exercée par le marqueur semble être similaire quel que soit le type de marqueur utilisé, guillemets (marqueur implicite) ou commentaire (marqueur explicite).

  • Q4 : Les marqueurs ont une influence sur les jugements de néologicité des locuteurs-destinataires quel que soit le statut – néologique ou attesté – du mot marqué (rapport de chance 1,36 ; p<0,00001).

Puisque les marqueurs typographiques ou linguistiques augmentent les taux de détection des néologismes, la prise en compte du cotexte s’avère importante dans les études en néologie (Gardin et al., Reference Gardin, Lefèvre, Marcellesi and Mortureux1974 : 48 ; Tardy, Reference Tardy1974 : 102 ; Gérard Reference Gérard, Bernhard, Boisseau, Gérard, Grass and Todirascu2018 ; Sablayrolles Reference Sablayrolles, Bernhard, Boisseau, Gérard, Grass and Todirascu2018a ; Lavale Ortiz, Reference Lavale Ortiz2019 : 216). Nous nous interrogeons sur la présence et le rôle de marqueurs comparables à l’oral, pour lesquels, à notre connaissance, il n’existe pas d’études. Nous pensons notamment à l’intérêt et aux défis méthodologiques d’étudier les marqueurs oraux que pourraient constituer les variations prosodiques, les expressions faciales et les gestes communicatifs comme le mime de guillemets avec les doigts.

En revanche, les marqueurs ne sont pas les seuls à exercer une influence sur les jugements de néologicité des locuteurs. Les résultats de notre étude suggèrent que le choix du patron morphologique employé (facteur linguistique), tout comme des caractéristiques socio-démographiques des participants (facteurs extralinguistiques), peuvent les faire varier (voir sections 5 et 4.4). Le rôle de ces différents facteurs reste à préciser par des travaux plus ciblés. Nous pourrions prévoir un nouveau protocole expérimental prenant en compte le suffixe (ici, -ien, -ique et -esque) comme variable indépendante, avec des stimuli ne différant que par celui-ci, pour mesurer son effet sur les jugements de néologicité. Les variations dues au profil socio-démographique des locuteurs pourraient être mieux contrôlées par des critères d’inclusion plus restreints (profils socio-démographiques homogènes), ou pourraient être spécifiquement explorées en comparant des sous-groupes de locuteurs.

Notre étude souligne le caractère graduel des manifestations du sentiment néologique (voir section 5). Nous pourrions l’explorer davantage en ajoutant des mesures comportementales, par exemple, le recueil et l’analyse des temps de réponses des participants, comme effectué par Lombard et al. (Reference Lombard, Huyghe and Gygax2024). Ce caractère graduel nous semblant en lien avec le cout cognitif induit par le traitement et la compréhension du néologisme (voir section 5), nous pourrions ajouter à la tâche d’identification des néologismes, une tâche de définition portant sur le sens que les locuteurs peuvent assigner aux néologismes présentés, comme proposé par Meunier et al., (Reference Meunier, Dal, Fradin, Hathout, Hathout and Montermini2007).

Remerciements

Nous souhaitons remercier Richard Huyghe et Josette Rebeyrolle pour leurs retours précieux et leurs conseils avisés, Alizée Lombard pour le partage de son protocole sur Qualtrics, les auditeurs aux conférences Printemps des Jeunes Chercheurs CLLE (Toulouse, 17 avril 2023) et LLCD (Paris, 9-11 septembre 2024) pour les échanges constructifs, ainsi que les relecteurs anonymes de JFLS pour leur relecture attentive et leurs suggestions qui ont largement contribué à rendre notre propos plus clair.

Déclaration d’intérêts concurrents

Les auteurs déclarent ne pas avoir d’intérêts concurrents.

Financements

Cette étude n’a bénéficié d’aucun financement.

ANNEXES

Annexe 1 Modèle de régression logistique à effets mixtes (variable dépendante = décision du participant) contenant les deux variables indépendantes de l’étude 2

Annexe 2 Modèle de régression logistique à effets mixtes (variable dépendante = décision du participant), incluant le suffixe comme prédicteur, construit sur les données néologiques uniquement, étude 2

Annexe 3 Modèle de régression logistique à effets mixtes (variable dépendante = décision du participant), incluant l’âge comme prédicteur, construit sur les données néologiques uniquement, étude 2

Footnotes

1 Dans cet article nous réservons le terme contexte à l’environnement dans lequel un acte linguistique a lieu, qui tient compte de l’ensemble de ses dimensions (discursives, stylistiques, situationnelles, sociales, etc.), et utilisons cotexte pour nous référer à l’environnement linguistique immédiat à l’intérieur duquel un mot est intégré.

2 La manifestation explicite du sentiment néologique ne se limite pas, évidemment, à la modalité écrite. Si un commentaire métadiscursif peut apparaître aussi bien dans un discours oral qu’écrit, d’autres indices peuvent souligner l’apparition d’un néologisme à l’oral, prosodiques, gestuels (mimer les guillemets, par exemple) ou autres.

3 Corpus FrenchWeb 2017, accessible via https://app.sketchengine.eu, présenté davantage en section 3.

4 Les données sont accessibles à l’adresse suivante : https://nakala.fr/10.34847/nkl.4a2cviwt

5 bantique (vs. benthique), barêmique (vs. barémique), charlatannesque (vs. charlatanesque), Darwinnien (vs. darwinien), énarqien (vs. énarquien), kammique (vs. karmique) et sidaien (vs. sidéen).

6 Tous les exemples sont proposés sans modifications, excepté pour les espaces autour des marques de ponctuation, et pour la mise en gras du néologisme retenu.

7 Corpus FrenchWeb 2020 accessible via https://app.sketchengine.eu . Notons que l’étude sur corpus a été réalisée avec la version de French Web accessible à l’époque (2017), mais que nous avons pu bénéficier d’une version plus récente pour annoter la fréquence des mots attestés (2020).

8 Les données sont accessibles à l’adresse suivante : https://nakala.fr/10.34847/nkl.4a2cviwt

9 Les données sont accessibles à l’adresse suivante : https://nakala.fr/10.34847/nkl.4a2cviwt

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Figure 0

Tableau 1 : Relation catégorielle entre le néologisme construit et sa base

Figure 1

Figure 1: Bases Nom Commun ou Nom Propre des néologismes retenus.

Figure 2

Tableau 2 : Catégories de marqueurs associés aux néologismes

Figure 3

Figure 2: Comparaison du pourcentage d’adjectifs dénominaux ayant une base nom propre entre les adjectifs néologiques de notre corpus et les adjectifs attestés listés par Strnadová (2014) sur la base de Lexique3.

Figure 4

Tableau 3 : Pourcentage de néologismes associés à des marqueurs

Figure 5

Figure 3: Déroulement de l´expérience.

Figure 6

Tableau 4 : Taux de détection du néologisme (qualifications comme « mot nouveau »), sans et avec marqueur

Figure 7

Tableau 5 : Taux de jugement comme « mot nouveau » pour les mots attestés_1

Figure 8

Tableau 6 : Taux de jugement comme « mot nouveau » pour les mots attestés_2

Figure 9

Figure 4: Taux de détection des néologismes selon la classe d’âge des participants.

Figure 10

Figure 5: Taux de détection des néologismes selon le niveau d’études des participants.

Figure 11

Figure 6: Taux de détection des néologismes selon les habitudes de lecture des participants.

Figure 12

Figure 7: Probabilité de détection des néologismes seuls ou associés avec un marqueur, selon l’âge des participants.

Figure 13

Figure 8: Répartition des notes (1 à 5) attribuées aux néologismes.

Figure 14

Figure 9: Probabilités que le néologisme soit qualifié de « mot nouveau », selon son suffixe et la présence ou non d’un marqueur.

Figure 15

Annexe 1 Modèle de régression logistique à effets mixtes (variable dépendante = décision du participant) contenant les deux variables indépendantes de l’étude 2

Figure 16

Annexe 2 Modèle de régression logistique à effets mixtes (variable dépendante = décision du participant), incluant le suffixe comme prédicteur, construit sur les données néologiques uniquement, étude 2

Figure 17

Annexe 3 Modèle de régression logistique à effets mixtes (variable dépendante = décision du participant), incluant l’âge comme prédicteur, construit sur les données néologiques uniquement, étude 2